Louis Charles Antoine Desaix naît au château de Saint-Hilaire à Ayat-sur-Sioule, le 17 août 1768, dans une noble et ancienne famille de tradition chrétienne et royaliste. À sept ans, il entre comme pensionnaire boursier à l’École royale militaire d’Effiat, où son frère aîné l’a précédé. Les Oratoriens de Riom y dispensent une éducation très complète à des jeunes gens de conditions sociales très différentes. Le jeune Desaix y fortifie son corps et y cultive son esprit. Il s’y distingue par sa vive intelligence et sa mémoire exceptionnelle, spécialement en histoire et en géographie. Il rêve alors de servir dans la Royale et de découvrir le monde. Son destin est tout autre, car en 1783, il est affecté comme sous-lieutenant au régiment de Bretagne infanterie.
Dans la tourmente de la Révolution et malgré ses origines familiales, il reste en France. Sa mère et sa sœur lui reprochent de ne pas émigrer, ce à quoi il répond : « Je ne veux pas servir contre mon pays ». Le 23 mai 1792, il est promu capitaine et ses qualités militaires reconnues lui valent d’être appelé par le général Victor de Broglie, chef d’état-major de l’armée du Rhin, qui en fait son aide de camp.
Le 3 août 1792, il reçoit le baptême de feu et se fait remarquer en capturant un prisonnier alors que l’armée se replie. Plus tard cette année-là, pour s’être solidarisé avec son chef qui a protesté contre la suspension du Roi, il est arrêté sur ordre des commissaires du peuple et emprisonné à Épinal pendant quarante-six jours. Le 25 octobre 1792, il est libéré sur ordre du ministre Carnot qui cherche alors de bons officiers pour encadrer la levée en masse des citoyens. Nommé adjudant général par les représentants du peuple, il combat devant Lauterbourg (20 août 1793) où une balle lui traverse les joues. Sans pouvoir parler, il continue du geste à commander son bataillon. Le lendemain il est nommé général de brigade avec port de l’écharpe bleue. En septembre-octobre, à l’avant-garde, il chasse les Autrichiens par une vigoureuse contre-attaque dans la forêt de Bienwald. Nommé général de division le 20 octobre, il est suspendu le 13 novembre comme frère d’émigrés. Les commissaires venus pour l’arrêter en sont empêchés par les baïonnettes de ses soldats, qui menacent de tirer s’ils touchent à un cheveu de leur général. Saint-Just, représentant en mission, le rétablit dans son grade. Le 27 décembre il s’empare de Lauterbourg, puis de Spire et s’arrête à Mannheim. S’il est aimé de ses hommes qui, par les armes, ont montré qu’ils tenaient à le garder pour chef, son exemple et ses capacités militaires sont tels que les généraux en chef Pichegru, puis Moreau sollicitent son avis sur la stratégie à adopter. Sa prudence et sa modestie lui évitent d’accepter à trois reprises le commandement de l’armée du Rhin… qui avait conduit successivement dix généraux à la guillotine. Toutefois, ses responsabilités sont lourdes : il commande cinq divisions en Haute-Alsace et est chargé de signer, le 25 décembre 1795, un armistice avec le général Clairfayt.
En janvier 1796, il devient commandant en chef de l’armée du Rhin par intérim en l’absence de Moreau et le 24 juin, il s’empare de Kehl par une traversée du Rhin jugée impossible. Il emporte les victoires de Radstadt et d’Ettlingen et prend des dispositions si justes qu’il en repousse l’ennemi et celui-ci subi des pertes considérables. « Il prouva, écrit de lui l’archiduc Charles, dans ces circonstances, une grande énergie, un coup d’œil juste, une connaissance de l’emploi parfaite de chaque arme. » Un très bel hommage de l’adversaire.
Rien n’arrête Desaix, qui fonce ensuite sur le Danube, remporte un succès à Potmess, où il écrase le fleuron de l’armée Autrichienne, les cuirassiers d’Anspach. Mais Moreau, prudent, ordonne le repli. Desaix obéit. Déjà les Allemands le surnomment « le bon général » parce qu’il veille personnellement à empêcher le pillage et les violences habituelles des conquérants.
Le 20 avril 1797, alors qu’il porte l’uniforme de commandant en chef – bleu marine aux parements à feuilles de chêne d’or avec écharpe blanche -, il repasse le Rhin à Diersheim où il est blessé à la cuisse en chargeant à son habitude à la tête de ses troupes. Le Directoire lui rend un hommage public, et déclare que ce second passage du Rhin constitue le fait d’armes « le plus éclatant de la guerre ». L’Autriche, épuisée, signe alors les accords de paix de Leoben, en avril 1797. Le jeune homme de 27 ans, qui est déjà un charismatique général auréolé de gloire, entreprend d’aller en Italie rencontrer un autre personnage qui fait beaucoup parler de lui et qui l’enthousiasme : le général Bonaparte.
De nature très curieuse, il prépare un circuit de plusieurs semaines afin de découvrir sur son chemin la Suisse et l’Italie. Modestement vêtu en civil, accompagné de son aide de camp et d’un domestique, il part pour l’Italie le 19 juillet comme un voyageur ordinaire. Son journal de voyage révèle l’homme droit, intransigeant sur l’honneur de l’officier, l’amateur éclairé d’œuvres d’art, l’amoureux des beaux paysages, le connaisseur de l’Histoire, et aussi l’homme équilibré qui apprécie une bonne table, une auberge accueillante et qui sait profiter d’un voyage de convalescence pour se cultiver sans cesse. Il voit pour la première fois le général Bonaparte le 27 août 1797. La sympathie est spontanée et réciproque, l’entente immédiate. Il écrit : « J’ai enfin rencontré un grand homme… Vous ne pouvez avoir une idée de son caractère, de son esprit, de son génie. Je suis enchanté de l’avoir vu ». Bonaparte est également séduit par sa politesse de gentilhomme, sa délicatesse de sentiments, son érudition, ses connaissances militaires et ses campagnes sur les bords du Rhin.
Desaix le quitte en septembre 1797, pour rentrer en France. Le 26 octobre 1797, il est nommé provisoirement chef d’état-major de l’armée d’invasion de l’Angleterre. Napoléon écrivit à ce sujet au Directoire : « Vous ne pouviez pas faire choix d’un officier plus distingué que le général Desaix ». Mais, un an plus tard, ce projet d’invasion est abandonné et Bonaparte lui confie l’organisation d’un convoi maritime depuis l’Italie en vue d’une campagne en Égypte. Quand Desaix arrive à Rome le 2 avril 1798, il est à la fois général en chef et amiral. Pour préparer l’expédition, le général Desaix déploie une intense activité à la mesure de ses hautes capacités et de son plaisir de réaliser son rêve de jeunesse. Il se réjouit de tenir le rôle d’amiral et écrit : « Je ne rêve que marine, je suis continuellement sur mon escadre de sept à huit petits bâtiments de guerre ; tous les jours j’étudie et j’espère bientôt en conduire un et vous faire naviguer ». Le convoi de soixante navires et de sept mille hommes quitte Civitavecchia le 26 mai 1798.
Après un bref épisode à Malte, le 1er juillet, Desaix surveille le débarquement de sa division près d’Alexandrie, là même où César avait mis pied à terre en 48 av J.-C. Tout de suite, Bonaparte le charge de la mission la plus périlleuse : avancer dans le désert vers la ville du Caire. Ses troupes ne sont pas préparées à de telles conditions et peinent à avancer. À un de ses officiers d’écrire sur ce périple : « Le jour, le soleil rendait le sol brûlant. Pas un nuage, pas un arbre dans cette immensité de sable. (…) Tous les puits étaient obstrués. Nous avions soif. (…) La nuit, les Mamelouks rôdaient autour de nous et si quelqu’un s’attardait il était décapité ». Le 21 juillet, l’armée française est devant le Caire. Le redoutable chef mamelouk Mourad-Bey y a réuni dans une grande plaine proche des pyramides de Gizeh environ dix mille mamelouks et un nombre double de fellahs. L’armée française est, elle, partagée en cinq divisions, Desaix commandant la droite, vers le désert. C’est une grande victoire et, là encore, le jeune général se couvre de gloire, tandis que Mourad-Bey est en fuite vers la Haute-Égypte.
Après la bataille des Pyramides, Bonaparte poursuit son épopée au nord du pays. Il charge Desaix de mener la conquête et la pacification au sud du territoire, en Haute Égypte, contre le redoutable Mourad-Bey. L’expédition de Desaix est à la fois une opération militaire et un voyage scientifique de grands intérêts, et personne n’est plus digne de diriger une pareille mission. Au seul nom de Thèbes, de Coptos, ou de Philae, son cœur palpite d’impatience. Il part le 28 août avec quatre ou cinq mille hommes et une flottille qui lui assure la supériorité sur le Nil et les canaux. Mais il doit attendre que les eaux du Nil soient assez hautes pour la navigation. Pendant ce laps de temps Mourad-Bey, a reconstitué une armée considérable. Le 8 octobre, le Bey l’attend à Sédiman, mais, là encore, Desaix avec ses généraux, le tiennent en échec. Mourad reprend sa retraite vers le sud. Le 22 janvier 1799, Desaix retrouve une nouvelle fois le mamelouk à Samanouth et il l’emporte. Le Bey abandonne sur place ses troupes et rejoint l’armée Turque en Palestine. Le 2 février 1799, le général Desaix arrive à Assouan. À 8 kilomètres au Sud, l’île de Philae marque à la fois le terme et le sommet de l’expédition.
Cette campagne en Haute-Égypte est unique en son genre et c’est le grand mérite du général Desaix de l’avoir conduite et réussie. Concilier le temps nécessaire aux relevés scientifiques et artistiques avec les impératifs militaires dévoile les qualités exceptionnelles du chef du corps expéditionnaire. En plus d’être un excellent tacticien, le général Desaix s’avère être un administrateur talentueux. D’une parfaite probité, il administre la Haute-Égypte avec tant d’humanité que les populations autochtones le surnomment le « sultan juste ». Pour régler les différends, il apprend l’arabe et il n’hésite pas à rendre lui-même la justice à l’ombre des arbres, ce qui n’est pas sans rappeler une autre figure de notre Histoire. Par ailleurs, en homme instruit, il procure aux scientifiques chargés de reconnaître le pays tous les renseignements qu'il a recueillis, en recherchant lui-même les ruines et les monuments importants. En une phrase : Desaix est fasciné par l’Égypte qu’il découvre aux côtés de grands savants de son temps, comme l’artiste Denon, lequel devient un de ses proches amis. Il inspire aux soldats, aux scientifiques, aux populations locales un sentiment unanime d’attachement et d’admiration.
Desaix reprend la piste des caravanes vers le nord. On lui apprend que Mourad-bey est revenu à Gizeh revoir son palais, et qu’il regrette cette guerre dans laquelle il a perdu ses meilleurs mamelouks. Le 9 octobre 1799, sur le canal Yousef, qui est un bras du Nil près de Sédiman, les Mamelouks sont définitivement écrasés et Desaix propose à leur chef de devenir l’allié de la France. Les deux hommes s’estiment. Mourad-bey lui jure amitié et fidélité. D’ailleurs, il succède à Desaix dans le gouvernement de la Haute-Égypte, où il assure la sécurité de la mission scientifique jusqu’à sa mort de la peste en 1801. Le 31 octobre 1799, Desaix est appelé au Caire par Kléber devenu commandant du corps expéditionnaire, Napoléon étant rentré en France en août. Le nouveau commandant veut avec lui l’intrépide général pour arrêter les Turcs débarqués à Damiette. Avec cent cinquante dragons à dromadaire, Desaix réussit à aider la garnison assiégée, obligeant ainsi les Turcs au repli.
Rappelé en France par le Premier Consul en 1800, il quitte avec regret cette terre orientale qui l’émerveille. Napoléon Bonaparte a en effet besoin de ses talents militaires pour poursuivre ses conquêtes en Italie. Le retour est long, d’autant plus que Desaix est intercepté par un navire anglais, puis est astreint à la quarantaine en arrivant à Toulon. Le 5 mai il écrit au premier consul une lettre fort digne qui montre qu’il n’a qu’une hâte, se battre : « ordonnez-moi de vous rejoindre, général ou soldat, peu m’importe. Une journée sans servir la patrie est une journée retranchée de ma vie. »
Desaix pénètre en Val d’Aoste le 7 juin. Il brûle d’envie de se battre. Dès le 10 juin, le général Lannes bat l'ennemi à Montebello avec l'avant-garde française et lui barre ainsi une voie de retraite. D’autres bonnes nouvelles arrivent, notamment depuis le Rhin où le général Moreau, par une série de succès, contraint les Autrichiens à signer l’armistice en juillet. Bonaparte et Desaix se retrouvent le 10 juin à Stradella. Ils conversent toute la nuit. À son secrétaire Bourrienne qui montre quelque étonnement le lendemain, Bonaparte répond : « oui, j’ai été longtemps avec lui. Je l’estime. À mon retour à Paris je le fais ministre de la Guerre. Il sera toujours mon second et mon ami ».
Le 12 juin, dans le petit hameau de Marengo, le Premier Consul commet l’erreur de diviser son armée en se séparant des divisions de La Poype et de Desaix, envoyant la première arrêter les Autrichiens sur la route de Milan et la seconde vers le sud sur la route Gênes, voir si Mélas, le général autrichien, ne se dirige pas sur cette ville. Le fin tacticien corse ne sait pas encore que l’ennemi est près de lui dans la ville d’Alessandria, avec toutes ses forces regroupées. Il persiste donc dans son erreur, en pensant que Mélas est en train de rassembler ses troupes plus au sud.
Dans la journée du 12, Desaix prend le commandement de deux divisions et s’éloignent du hameau de Marengo en reconnaissance vers le sud. Le 14 juin, il se dispose à franchir une petite rivière pour mieux surveiller la route de Gênes quand il entend dans le lointain une vive canonnade. Il arrête le mouvement de ses troupes et à brides abattues rejoint Bonaparte à Marengo. La bataille tournait au désavantage des Français. Arrivé à l’état-major, il dit ces mots qui restent gravés dans l’Histoire : « La bataille est perdue, il est cinq heures ; il reste encore le temps d’en gagner une autre. ». En une heure, il met au point un nouveau plan de bataille et renverse complétement la situation. Les combats reprennent. Les Autrichiens qui croyaient être vainqueurs sont surpris et montrent des signes de faiblesse devant cette contre-attaque française. Desaix prend la tête de la 9e brigade d’infanterie légère et observe le champ de bataille. Il sait qu’il doit ordonner la charge pour définitivement anéantir l’armée autrichienne. Il sent derrière lui un millier d’hommes trépigner d’impatience. Lentement, il lève son sabre. Chacun retient son souffle. Soudain, il abaisse son arme et lance son cheval dans la bataille. Dans un nuage de poussière, mille cavaliers suivent leur général et foncent au grand galop sur l’ennemi. Au-devant de la charge, comme à son habitude, le général Desaix est frappé d’une balle en plein cœur. Il meurt à trente-et-un ans.
Napoléon Bonaparte ordonne que son corps soit embaumé à Milan, puis il confie à Jean-Guillaume Moitte la réalisation d’un mausolée en marbre blanc. Sa dépouille est ramenée en 1805 à l’hospice du Grand-Saint-Bernard. En l’absence de Bonaparte, retenu pour affaire d’État, c’est le Maréchal Berthier qui prononce l’oraison funèbre qu’il conclut ainsi : « dites au voyageur, dites au guerrier qui, traversant ces monts, viendra présenter son épée sur le marbre de cette tombe : voilà l’homme que l’Orient salua du nom de Juste, sa patrie du nom de Brave, son siècle du nom de Sage et que Napoléon a honoré d’un monument ». Quant à Bonaparte, Emmanuel de Las Cases rapporte dans le Mémorial de Sainte-Hélène ses propos : « le talent de Desaix était de tous les instants, il ne vivait, ne respirait que l’ambition noble et la véritable gloire. C’était un caractère antique. Il aimait la gloire pour elle-même et la France au-dessus de tout… L’esprit et le talent furent en équilibre avec le caractère et le courage, équilibre précieux qu’il possédait à un degré supérieur ».
Il ne vécut que pour l’amitié et pour la gloire
Saint-Cyr honore le sang versé de son parrain qui pour la France est tombé
1.
REFRAIN :
Général Desaix, le feu cinglant vous frappe en plein cœur,
Enflamme et rallume en les nôtres une impétueuse ardeur
Fier et rayonnant, paré de bleu, ceinturé de blanc,
Offrez à vos fils votre panache carminé de sang
2.
Pendant la révolution,
Quand vos pairs fuient la nation
Le pays franc
Retient votre serment,
Et votre abnégation
Ne souffre d'exception.
Toujours humblement,
S'élèvent les grands.
3.
Terrassant l'aigle du Rhin
Et le vautour égyptien,
Vous combattez
Au-devant des armées
Tenant sous vos canons
La Méditerranée.
Desaix en tête l’Égypte en est défaite
4.
Marengo est secourue
Lorsque tout semblait perdu.
Pour la patrie
Et sa plus grande gloire
Vous offrez votre vie
Arrachant la victoire.
L'aigle porte aux cieux
Ce cœur audacieux.